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Étude économique et juridique : Le texte de la Commission manque de netteté juridique et de bases économiques
jeudi 10 mars 2005
10 mars 2005 – L’article « Brevets logiciels : un examen plus attentif de la proposition de la Commission européenne » par Maria Allessandra Rossi de l’École de droit et d’économie de l’université de Sienne, démontre que la proposition de la Commission sur les brevets logiciels n’améliore pas la netteté juridique et qu’elle manque d’arguments économiques contraignants pour codifier les règles de l’Office européen des brevets. De plus, il souligne que le texte en première lecture du Parlement européen va dans la bonne direction.
Quelques extraits
À propos des textes de la Commission et du Parlement
- Ayant passé en revue la proposition de directive en première lecture le 24 septembre 2003, le Parlement européen a approuvé une version amendée de la proposition de la Commission, qui va résolument dans la bonne direction pour une meilleure lisibilité de la définition de ce qui est brevetable dans le domaine des inventions mises en œuvre par ordinateur.
- (à propos du 18 mai) Le soudain volte-face de l’Allemagne a été déterminant pour parvenir à un accord sur un document de compromis, qui a rejeté des amendements cruciaux que l’Allemagne elle-même avait proposés. En particulier, une spécification imposait une condition de contribution technique par l’utilisation de forces naturelles pour contrôler des effets physiques, au-delà de la représentation numérique de l’information, pour que l’invention soit condidérée comme appartenant au champ de la technologie, alors que les seuls traitement, transfert et représentation de l’information n’en font pas partie.
- L’accord obtenu lors de la réunion du Conseil le 18 mai a donné immédiatement des signes de dissensions.
- (au sujet de la proposition de la Commission) En dépit des avantages mentionnés ci-dessus, dans cette section nous allons montrer pourquoi nous répondrons par la négative à la question de savoir si nous pouvons nous attendre à une meilleure netteté juridique de la part de la proposition de la Commission dans l’objectif d’une harmonisation de la jurisprudence de l’OEB.
- (au sujet de la proposition de la Commission) Le principal problème avec l’approche suivie par la proposition est qu’elle établit un ensemble de conditions pour la brevetabilité, dont la seule interprétation sensée et logique coïncide avec une extension significative de la brevetabilité, proche de la situation correspondant à l’abrogation de l’article 52(2) et (3) [de la Convention sur le brevet européen].
- Alternativement, si la CBE doit rester dans sa forme actuelle, il faut continuer à rechercher des critères plus rigoureux, que ceux contenus dans la proposition de la Commission, pour établir une distinction entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas. C’est l’approche adoptée par le Parlement dans les amendements approuvés en première lecture.
Au sujet de la politique économique
- Cependant, il pourrait s’avérer que la faible propension des PME à déposer des brevets s’explique par d’autres raisons qu’un manque d’informations, étant donné qu’elle est généralement faible dans les pays où les logiciels sont brevetables depuis longtemps.
- La seule conclusion incontestable est, peut-être, qu’il existe un besoin d’analyses économiques plus poussées, axées spécifiquement sur le secteur des logiciels, afin d’informer la prise de décision politique.
- Se baser, pour l’intervention politique, sur une évaluation des coûts et profits qui peuvent en découler pour la société semble une voie bien plus prometteuse que de se reposer sur des distinctions intrinsèquement floues basées sur la sémantique. Après tout, on ne doit pas oublier que la raison d’être du système des brevets est de favoriser l’innovation. De la sorte, les décisions visant à sa modification devraient être prises sur la base d’une évaluation des mesures qui pourraient au mieux servir son objectif, au lieu que de se focaliser exclusivement sur la cohérence interne du système, tel qu’il s’est développé historiquement.
- La seconde hypothèse est que, s’il doit y avoir des changements au statu quo, le poids de la preuve devrait peser sur ceux qui proposent les changements. Ce qui implique que si, comme indiqué dans la section précédente, la directive proposée est susceptible de garantir une protection significativement plus étendue aux programmes informatiques, nous pensons que la Commission devrait fournir une justification économique plus convaincante pour sa proposition.
- [...] seuls sont expressément mentionnés les résultats d’une étude menée par le London Intellectual Property Institute &mdsah; qui n’est en aucune façon une référence en économie — pour le compte de la Commission...
- Toutes les études empiriques, dont nous avons eu connaissance, indiquent que les sociétés de l’industrie informatique, et particulièrement les PME, ont tendance à compter sur d’autres moyens que les brevets pour protéger leurs innovations.
- Il est probablement vrai que les initiatives des titulaires de brevets, comme les « pools » de brevets et les licences croisées, peuvent réduire les conséquences néfastes des difficultés transactionnelles liées aux brevets, mais la question demeure de savoir si les avantages globaux des brevets logiciels l’emportent sur les inconvénients, y compris les coûts de conception de ces solutions privées.
- D’abord, il y a la question du grand nombre de brevets logiciels triviaux que les offices de brevet accordent par habitude. Cela ne se limite pas seulement à un problème administratif exigeant un investissement plus lourd en recherche d’anterorité.
- Deuxièmement, le risque d’infraction par inadvertence est particulièrement élevé dans le domaine du logiciel.
- Ceci étant établi, il faut souligner qu’il paraît particulièrement difficile de mettre en œuvre un seuil d’inventivité élevé et non trivial en informatique, en raison de la difficulté à véritablement définir ce qu’est l’inventivité dans le domaine du logiciel.
Conclusions
- Si au contraire la directive choisissait d’adhérer à la jurisprudence de l’OEB en tant que base d’harmonisation, comme le fait la proposition soumise par la Commission, il est peu probable que cela puisse apporter plus de netteté juridique ou favoriser l’innovation.
- En ce qui concerne l’objectif de favoriser l’innovation dans le domaine du logiciel, notre conclusion négative sur la capacité de la proposition de la Commission à y parvenir, est basé sur une étude de la littérature économique récente.
- En effet, l’évidence économique relevée dans cet article suggère que le logiciel possède certaines caractéristiques spécifiques qui méritent une attention particulière, lorsqu’il s’agit de définir une politique des brevets :
- (a) le logiciel présente certains obstacles particuliers à l’accomplissement du traditionnel contrat de « protection pour découverte révélée », inhérent au fonctionnement du système de brevets [...] ;
- (b) les caractéristiques de l’innovation dans l’industrie du logiciel suggère qu’il faudrait appliquer une condition d’inventivité plus stricte que dans des secteurs industriels traditionnels ;
- (c) les brevets relatifs aux logiciels devraient être étroitement contrôlés.
- Malheureusement, la proposition soumise par la Commission ne prend pas la peine d’aborder ces questions de façon adéquate.
Informations de référence
Traduction de Bernard Martin-Rabaud
Voir en ligne : Article original en anglais